RDC: Au Sud-Kivu,la rue est vent debout contre l’éducation pour tous et contre l’Eglise

Mouvement de grève contre les Écoles catholiques à Bukavu

Ce dimanche 29 septembre, la Cathédrale de Bukavu était envahie par les manifestants. Les grévistes accusaient l’Église de soutenir les enseignants qui refusent de reprendre les cours si les salaires ne sont pas revalorisés en compensation de la suppression de la prime que donnaient les parents.

Ils sont venus de la Commune d’IBANDA et des environs. Leur argumentaire est très simple: L’Église a mis en place le système de prime pour encourager les enseignants et augmenter la qualité de l’éducation mais sur le dos des parents. Lorsque le Gouvernement annonce la gratuité de l’enseignement en vue de l’éducation pour tous, l’Église traîne les pieds et doute de la sincérité de la proposition.

Maniestation à Ibanda
Manifestation pour la gratuité de l’enseignement dans la Commune d’Ibanda

Leur cri est peut-être fondé car, selon radio Okapi, les enseignants des écoles conventionnées catholiques et protestantes de Bukavu (Sud-Kivu) sont en grève depuis mercredi 25 septembre. Les élèves se sont présentés dans leurs écoles, mais ils n’y ont pas trouvé d’enseignants.

Ces derniers se disent désintéressés parce que le gouvernement n’a pas majoré le salaire du mois de septembre afin de matérialiser la gratuité de l’enseignement de base.

Décisions confuses du gouvernement

Le ministre d’État chargé de l’Enseignement primaire, secondaire et technique, Willy Bakonga a affirmé que le gouvernement congolais va décaisser dès ce mois de septembre, l’enveloppe nécessaire pour payer les enseignants et permettre aux écoles publiques de fonctionner normalement.

Ministre Willy Bakonga pour l’Education

Ce mercredi 11 septembre à l’issue d’une séance de travail convoquée par le Premier ministre à la Primature, le même ministre a fait cette déclaration: « Le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba a  donné des instructions claires pour rendre effective la gratuité de l’enseignement à la base »

Voilà les déclarations plutôt confuses que « claires » qui ont mis le feu sur l’huile. Les parents qui étaient habitués à payer difficilement les primes des enseignants ont cru au soulagement qui avait trop tardé. Le vent de la colère a vite soufflé.

Église et autres partenaires inquiets

Tous les partenaires sont inquiets. Mercredi 18 septembre l’archevêque de Kisangani et président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), Monseigneur Marcel Utembi a déclaré que  » l’Etat congolais doit prendre au sérieux la décision prise concernant la gratuité de l’enseignement de base. »

Mgr Marcel UTEMBI,archevêque de Kisangani

Dans une interview à Radio Okapi, l’Archevêque a assuré que l’Église catholique va appliquer cette mesure, tout en soulignant les préalables à prendre en compte pour la réussite de cette gratuité.

Ainsi, Mgr Marcel Utembi souhaite que cette mesure de gratuité de l’enseignement de base soit « accompagnée de dispositions claires qui rendent véritablement effective cette gratuité. »

D’après lui, « il y a entre autres la prise en charge des enseignants, en ce qui concerne leurs salaires. Il importe que le gouvernement puisse assurer un salaire décent à tous les enseignants .»

En outre, continue-t-il, « il faut que les frais de fonctionnement débloqués par l’État permettent de répondre aux besoins de base enregistrés par les écoles. »

Ce propos est soutenu par les enseignants à l’exemple de Cécile Tshiyombo, enseignante depuis 29 ans : « La gratuité est possible […], mais il y a des préalables : un barème spécifique doit être donné à l’enseignant pour qu’il travaille dans des conditions acceptables. »

Ce que le gouvernement a promis

Mercredi 21 août, à l’ouverture de la rencontre, le ministre chargé de l’Éducation avait annoncé, devant la presse, la suppression de « tous les frais de scolarité , dans tous les établissements publics d’enseignement de l’éducation de base ». Les frais supprimés sont ceux des frais de minerval, de bulletin, les frais de l’assurance et ceux de l’identification des élèves.

Le ministre Emery Okundji a même précisé ceci:« Le gouvernement de la République a pris en charge les frais. Les frais de fonctionnement seront alloués mensuellement aux écoles. Cette décision concerne les écoles publiques qui sont sur toute l’étendue de la République démocratique du Congo. »

Or, pour 2019, le budget de l’État avoisine 5,9 milliards de dollars. Afin de mettre en application la gratuité de l’enseignement primaire et secondaire, il faudrait, selon des ONG congolaises, mettre 1,6 milliard de dollars, soit un quart du budget .

Cette analyse est balayée par les Autorités congolaises, car « Conformément à notre Constitution, la gratuité de l’enseignement fondamental doit être une réalité », avait déclaré le président Félix Tshisekedi lors de son discours d’investiture le 24 janvier.

Président Félix Tshisedeki de RDC à l’ONU

Promesse de campagne du président Félix Tshisekedi, cette mesure doit permettre aux Congolais les moins fortunés d’offrir à leurs enfants un enseignement jusques-là inaccessible.

Les syndicats, quant à eux, campent sur leurs revendications qui n’ont pas été jusques-là prises en compte par le gouvernement. Elles prévoient entre 375 dollars et 900 pour un enseignant du primaire au lieu de 80 par mois, actuellement ou 245 promis par le gouvernement.

Le financement de cette mesure pour ce trimestre interroge donc au-delà des enseignements. Le gouvernement a-t-il les moyens de ses ambitions sans porter la responsabilité sur l’Église?

La Rédaction

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